Découverte approfondie de la Hesse rhénane

Autant l'écrire d'entrée de jeu : les vins allemands, nous connaissions très peu. En plus, un vieux complice nous avait recommandé de les (re)découvrir, expliquant que le vignoble allemand faisait d'énormes progrès, etc . Puis, une invitation tombe, qui nous permettrait de visiter pendant trois jours la région de Hesse rhénane (en allemand : Rheinhessen) à l'initiative de notre confrère allemand Wilfried Moselt. En plus, il s'avère que ce dernier parle très bien le français et qu'il sera notre traducteur-interprète pendant le voyage. Il n'en fallait pas plus…
La Hesse rhénane est la plus grande région viticole d'Allemagne. Elle se situe un peu à l'ouest de Francfort dans un triangle formé par les villes de Bingen, Mainz (Mayence) et Worms, le Rhin la bordant par le nord et l'est. Avec 26.000 hectares de surface viticole, la région est caractérisée par d'innombrables collines favorables à la viticulture. Planté sur 4213 ha en 2006, le müller-thurgau reste le cépage le plus répandu de la région (16%), précédant le riesling (12,2 %), le silvaner (9,5%) et le kerner-grauburgunder (5,1%), principaux cépages des blancs qui constituent au total 67,4 % du total en Hesse rhénane. Les cépages rouges connaissent une hausse de présence considérable puisque le principal, le dornfelder est passé de 436 ha en 1990 à 3500 ha en 2006, ce qui représente 13,3% des cépages rouges, précédant le portugieser (6,8%), le spätburgunder/pinot noir (5,1%) et le régent (3,1%) pour ne citer que les plus importants. En augmentation permanente dans presque tous les cépages, le rouge constitue aujourd'hui 32,4% du total en Hesse rhénane. Il faut noter la prédominance, parmi les rouges, du cépage Dornfelder qui apparut d'abord vers 1980 comme vin teinturier avant d'être reconnu pour lui-même au point de se poser en concurrent de vins rouges d'autres pays lors de dégustations à l'aveugle.
Parmi les rencontres et dégustations intéressantes de ce petit séjour, les vins de Michael Teschke à Algesheim. D'une famille russe passée par l'Allemagne de l'Est, il fut d'abord militaire avant de reprendre les vignobles de son frère. Dans une région dominée par le riesling, il est un spécialiste du sylvaner (plus souvent orthographié silvaner en Allemagne) dont il produit avec bonheur plusieurs versions, du Classic à 3,40 euros la bouteille, au Sélection Rheinhessen « 0815 » à 11 euros. A noter aussi son Scheurebe Eiswein à 13,50 euros et surtout son vin de dessert haut-de-gamme Sylvaner Trockenbeerenauslese très parfumé à 61 euros la petite bouteille en millésime 2003 ou 2005. Pour la petite histoire, Michael Teschke refuse de présenter ses vins à des compétitions nationales, estimant que les jurés n'y sont pas capables de jugement compétent « puisqu'ils apprécient les vins vendangés à la machine. »
Autre rencontre que nous retiendrons, celle de la famille Hiestand-Stallmann à Uelversheim. C'est la cinquième génération dans le vignoble. Alors que la mère est journaliste en vins, le père Werner et le fils Christophe produisent ensemble 120.000 bouteilles, prioritairement des monocépages en rouge comme en blanc sur un vignoble de 16,5 ha, à raison d'un rendement moyen de 75hl/ha. Tout est récolté à la main sauf les vins livrés en litre. Parmi moultes découvertes intéressantes, un mousseux blanc de pinot noir, extra-brut sans dosage (9,30 euros), présentant de belles qualités au nez et en bouche, qui peut concurrencer aisément certains voisins français !
Des quelques vins tranquilles dégustés, relevons encore deux blancs , un spätburgunder blanc de noirs (5, 60 euros) et un Trepino (7,80 euros) passé par la barrique qui lui a laissé d'agréables rappels de vanille. Puis, quelques confidences du fils Christophe qui préparait des examens menant à une maîtrise en viticulture quand nous y sommes passés. Ainsi la décision est-elle prise en famille en début de saison sur le choix des crus qui feront partie de la sélection » S » regroupant les hauts de gamme de la production. D'autre part, nous apprendrons que depuis 2004, la chaptalisation n'a plus été nécessaire.
Chez Peth-Wetz, c'est le futur du vignoble qui a été évoqué. La tendance est à rationaliser, à limiter le nombre de cépages. Le fils de la famille a parcouru les vignobles du monde avant de développer celui-ci. Et de nous proposer à déguster, entre autres, un Hasenauf riesling (8,20 euros) fruité et minéral, un Riesling gravity doux (23 euros) et un Dornfelder Trocken (12 euros) qui a déjà été primé à des concours internationaux.
Enfin, dernière rencontre, à Nierstein au bord du Rhin, celle de deux jeunes vignerons ayant repris chacun la direction du vignoble familial, Stefan Raddeck et Konstantin Guntrum.
Nierstein est le village disposant du plus grand vignoble d'Allemagne. Le sol du vignoble qui est majoritairement sur un versant donnant sur le Rhin est traversé de bandes de terre rouge dont la couleur s'explique par la présence importante de fer qui influence fortement le parfum et le goût du vin qui en est issu.
La dégustation commence par quatre rieslings 2006 de vignobles très proches, tous au bord du Rhin : Orbel, Heiligenbaum, Pettenthal et Oelberg. Dans chaque cas, les rendements sont inférieurs à 50 hl/ha, le taux d'alcool varie fort, de 10,5° à 13°, proposant des vins très différents ayant en commun beaucoup de caractère et de finesse.
On remonte un peu dans le temps avec un Riesling Spätlese de 2005, annoncé avec 50 gr de sucre résiduel, en culture biologique. S'il est agréable dès à présent, il présente un beau potentiel de vieillissement. A revoir donc, si possible, dans 5 ou 6 ans…
Enfin, Constantin Guntrum nous fait le plaisir d'un Riesling plus âgé que les deux jeunes viticulteurs présents, un Niersteiner Heiligenbaum Auslese de 1976 qui n'est que du bonheur au bord du Rhin.
Bref, de quoi nous laisser sur des impressions très favorables à propos d'une région vinicole trop peu connue au départ des amateurs belges.
Nous vous présentons, par ailleurs, l'ensemble du vignoble allemand.
Bernard GEERAERD
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légendes :
- Michaël Teschke et son épouse.
- Christoph Hiestand et sa maman, journaliste en vins.
- Stefan Raddeck organisant la visite avec, derrière lui, notre accompagnateur Wilfried Moselt.




Rédigé par Bernard Geeraerd
Posté le 2007-06-21 16:40:54 / ref_article : 103

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