François Pugibet (Domaine de la Colombette)

    Avec son fils Vincent, François Pugibet peut paraître comme une sorte de Don Quichotte si ce n’est qu’il ne combat pas les moulins mais se bat  pacifiquement pour que soit autorisée en France la réduction du taux d’alcool présenté par les vins du Sud, dont les siens. Et sous son aspect de méchant pour opéras italiens, c’est un homme charmant que nous avons retrouvé au Salon Prowein de Düsseldorf où son Domaine de la Colombette situé près de Béziers présentait ses vins dont plusieurs blancs. N’ont-ils pas remporté , entre autres, le titre de meilleur chardonnay du Languedoc en 1993 et 1994 ? Leur domaine est d’ailleurs le premier à avoir planté du chardonnay dans cette région et plus de la moitié des vins produits par La Colombette sont des vins blancs.
    Mais ce qui nous occupe aujourd’hui part d’un constat que François et Vincent Pugibet ont fait : malgré les concours remportés, leurs vins étaient de moins en moins souvent mis sur la table parce que trop alcoolisés.  « Nous-mêmes étions lassés de vins à 13 ou 14 degrés à consommer le midi,  explique François Pugibet. Ce fut le départ de notre réflexion sur l’alcool dans le vin.
Nous avons d’abord pensé à réduire le sucre du raisin mais le résultat fut inverse. En effet, pour faire du bon vin, il faut  veiller, avant tout, à la santé de la vigne et que les raisins soient arrivés à leur pleine maturité pour exprimer tous leurs arômes. Nous avons alors constaté que tous les meilleurs vins de la Californie (qui connaît les mêmes problèmes de soleil que nous) étaient corrigés en alcool. Nous avons alors tenté d’appliquer les mêmes méthodes qu’eux mais nous sommes heurtés à l’administration française qui est très fermée à toute technique nouvelle. Au départ, notre idée a été d’utiliser un instrument qui permet de réaliser une osmose inverse, méthode utilisée par les Bordelais pour concentrer les moûts avant fermentation, ce qui nous a permis de travailler sur le vin fini mais d’enlever uniquement de l’alcool tout en préservant les arômes initiaux. (…)  Parce que l’apport de l’alcool dans le vin, sert avant tout à gommer les défauts. Pour nous ,c’est une question de culture de revenir à des niveaux d’alcool correct dans le vin. »
- Avez-vous l’impression que l’ (anciennement INAO) veuille vous mettre de bâtons dans les roues ?
« Nous pensons que ce sera très long à faire admettre à des gens qui ont pour vocation la conservation des pratiques anciennes. Moi, j’ai l’intention d’avancer. Si nous voulons aller loin aujourd’hui, nous prenons l’avion ou, plus près, le TGV. Pour communiquer , il y a l’internet. Nous n’avons pas l’intention de revenir en arrière. Avec cet allègement du vin en alcool, nous avons l’impression de faire évoluer la civilisation dans le bon sens».
-En tant que viticulteur dans une région où le soleil apporte autant d’alcool au vin, n’avez-vous pas l’impression de scier la branche sur laquelle vous êtes assis ?
« Selon moi, ça n’a rien à voir. Quand je regarde le berceau de la civilisation qu’est la Méditerranée, on a toujours trouvé du vin dans cette région, mais faiblement alcoolisé. Des vins plus forts, on n'en buvait qu’un filet. »
Recueilli par Bernard GEERAERD



Rédigé par B.G.
Posté le 2008-03-23 16:01:31 / ref_article : 156

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